PALIMPSESTE(S) vol2

Featured Post Image - PALIMPSESTE(S) vol2

Palimpseste(s)

Observer un tableau n’est pas un acte neutre : notre regard vogue sur la toile en posant des choix, en s’arrêtant sur des éléments qu’il décide d’appréhender, en s’impliquant dans des histoires qu’il accepte. Si le peintre prépare et propose un réseau de chemins, chaque spectateur trace pourtant son itinéraire comme il le souhaite.

Observer un tableau n’est pas non plus un acte passif : il s’agit d’un dialogue. Quand le regard se dirige, il se mobilise. Il déplace et porte avec lui tout un bagage de vie qu’il projette à son tour sur la toile.

L’œuvre de Stéphanie Macaigne semble précisément s’être construite autour de cet échange.

Il est évident que notre artiste sonde d’abord son propre rapport à l’objet qu’elle contemple. Lorsqu’elle s’attaque à la reprise d’une pochette, l’exercice ne pourrait se résumer à la simple application d’un style pictural sur une photo connue, puisque chaque tableau révèle dans son exécution une réflexion, dont les tenants et les aboutissants se partagent entre l’identité mélodique d’un disque et sa réception par la peintre. Elle utilise un geste pour tout aussi bien se dire, que dire l’une des facettes d’une œuvre – voire de plusieurs œuvres conjointes, un album convoquant tant un univers sonore que de multiples iconographies.

Vient alors le moment de partager ses toiles. Quand Stéphanie Macaigne publie ou expose ses réalisations, elle livre cette part d’elle-même qui se fonde sur un bien commun : le rap. Elle nous rapproche de toutes ces œuvres, en nous rappelant que nous avons tous été traversés par un disque ; que nous nous sommes tous approprié par l’âme et le cœur des collections de chansons qui ont marqué nos vies. Avec son surplus visible de matière, la peinture cède alors aux pochettes un corps insoupçonné, certes flou, mais tout à fait palpable ; une manière de les percevoir davantage avec épaisseur et mobilité ; une manière qui suggère une possible vie pour ces images figées dans notre monde sensible, comme une possible appropriation.

Elle lance ce dialogue.

Le spectateur va devoir se remémorer la pochette, l’album et probablement ce qu’il a créé en lui à l’époque de l’écoute. Pour cela, il va pister sur la toile des indices et des éléments auxquels il s’est attaché, en faisant des détours par ce qu’a de commun ou de différent sa vision de celle de l’artiste. En passant ces divers seuils, en traversant ces étapes, il va reconstituer ce qu’on appelle un palimpseste : l’ensemble des relations qui peuvent exister entre deux ou plusieurs œuvres. Le spectateur va produire un lien.

Ce faisant, l’œuvre de Stéphanie Macaigne offre en réalité bien plus qu’un échange avec son public. Elle ravive, redynamise et entretient une foule d’émotions à l’égard de nombreux talents, qu’il s’agisse de rappeurs, de photographes, de graphistes, de producteurs, d’auteurs, de peintres, de lieux, et tant d’autres entités présentes en filigrane dans ses toiles.  

Elle célèbre.

L’événement de ce jour en témoigne, pour tous les sens et tous les arts. Il tire et étire ce lien. Il redéfinit, rappelle et maintient le rap dans son statut de culture, avec la qualité primordiale de cette dernière, finalement au cœur du projet de Stéphanie Macaigne : la communion.

Amaury Rauter

Goûte Mes Disques

Stéphanie Macaigne

Diplômée en histoire des idées et professeure d’allemand, Stéphanie Macaigne s’est surtout fait connaître par sa peinture et plus particulièrement par une série de tableaux qui proposent, dans un style impressionniste, des réinterprétations de pochettes d’albums, provenant pour la plupart de la scène rap.

En plus de son travail personnel, depuis 2018, la peintre a ainsi multiplié les projets en collaboration avec des artistes liés à cette scène, notamment en ayant exposé des toiles dans un clip de Gims, en ayant réalisé le merch de Tristess Business pour Luidji, mais aussi par la conception de pochettes originales pour des projets musicaux (Wondagurl & Redbull, McEvoy, M le Maudit, YZLA, etc.) ou encore par un travail d’illustration de textes, entre autres pour le recueil de poèmes Au nom du rap que l’on doit à Elena Copsidas.

En 2019, elle décide de monter sa première exposition autour de cette notion particulière qui a cédé son nom à l’événement : le palimpseste, cet ensemble de références, de connexions, de réécriture, de renvois, de citations, dont la mécanique semble autant traverser la culture hip-hop qu’entrer en résonance avec sa démarche artistique.

Parallèlement à ces travaux, Stéphanie Macaigne écrit aussi en dilettante des billets d’analyse, « Culture Bis », qui brassent, à partir d’une réflexion initiale, plusieurs domaines tels que l’histoire de l’art, la philo, ou même les sciences. Cette passion bouillonnante l’amènera à être sollicitée pour présider le festival des arts de l’université Quinnipiac (New York) en avril 2022.

 Palimpseste(s), vol. 2

L’exposition Palimpseste(s), vol. 1 retraçait sous forme d’une mixtape visuelle le début de cette série de tableaux sur les pochettes d’albums en initiant un nouveau format d’exposition qui, inspiré du concept de release party dans le rap, mêlait photographie, clip, musique et peinture.

Malgré l’implication de toutes ces disciplines, les rapports entre peinture et photographie se sont avérés sans surprise dominants. Au-delà des influences mutuelles que celles-ci s’apportent, l’ensemble des œuvres présentées peuvent en effet témoigner d’une évolution significative dans la production et la réception de la photographie de pochettes d’album, portée en France par des artistes comme Fifou ou David Delaplace, en Belgique par Romain Garcin et aux États-Unis par David LaChapelle, parmi d’autres. Il était important de saluer leur précieux travail.

Le deuxième volume de cette exposition vient conclure le cycle, avec l’intention de proposer un événement total dont chaque partie répond à un tout, au cœur de chaque œuvre.

Acquérir des œuvres

Les toiles ici présentées sont disponibles à la vente.

Vous pourrez trouver des prints de certaines d’entre elles, ainsi que d’autres tableaux, sur le bigcartel de l’artiste.

table ronde t’as la ref’ ?                                                          18h30-19h30

Du sample aux citations : l’intertextualité au cœur du hip-hop

Dans le respect de la thématique relative au palimpseste, il s’agira au cours de cette table ronde d’envisager une part des mécanismes et jeux de références qui s’exercent dans le hip-hop, qu’il soit ainsi question de samples, de citations, de clins d’œil textuels, mélodiques ou même visuels. S’ils semblent occuper une place déterminante dans les origines du mouvement, ont-ils encore leur place dans les productions actuelles ? Quels ont pu être leurs rôles et leurs impacts ? Sont-ils codifiés ?

Plus largement, d’autres formes de dialogues dans le rap seront aussi envisagées, des rapports entre USA et Europe aux usages de films dans les morceaux, en passant par les reflets d’une DA dans la composition d’un album, la tendance aux reprises, rappels de pochettes, et tout un tas de questionnements qui ne seront finalement que des prétextes pour une seule chose : parler de ce rap jeu qu’on aime tant.

Intervenants :

  • Amaury Rauter: rédacteur pour le média Goûte Mes Disques, Il coanime la mensuelle du même nom pour JAM (RTBF), ainsi que le podcast Game Changer.
  • Sandra Gomes : journaliste, photographe et podcasteuse, elle a fait partie de l’aventure Tier List avant de retrouver son comparse Mehdi Maïzi aux côtés de Raphaël Da Cruz dans l’émission Le Code Review pour Apple Music. Elle évolue également au poste de rédactrice en chef pour Nanas Benz, l’entité féminine du média Argot.
  • Ismaël Mereghetti : journaliste, auteur et réalisateur indépendant, il officie actuellement au micro de l’émission Studio 41 pour Mouv’, mais vous l’avez probablement déjà croisé derrière un documentaire de Booska-P ou un article de RedBull Music. Il est également le coauteur du récit J’étais là qui retrace la vie et le parcours de Driver pour les éditions Faces Cachées.
  • Romain Garcin : directeur artistique, graphiste, photographe, on lui doit une poignée de pochettes remarquables, de Damso à Jäde en passant par Green Montana ou Caballero & JeanJass.
  • Stéphanie Macaigne : la vraie.                 

 Partymore 

Actif depuis quelques années sur Orléans, le jeune rookie Partymore viendra défendre des titres de ses deux projets Les Moments Durs Font Les Hommes Forts et le tout récent Résilient, au travers desquels il dilue des textes partagés entre assurance détachée et interrogations émues, celles d’un homme en devenir. Ses vocalises serrées, comme les productions qu’il réalise seul, accompagnent ces émotions dans une brume mélancolique pour traduire, en définitive, le constat de ce que coûte une quête.

BEN plg

BEN plg, c’est bien plus qu’un passage par Netflix. Si cette aventure lui a fourni le banger qu’il manquait à sa carrière, celui-ci ne reflète pas du tout la complexité de son écriture ainsi que l’adaptabilité de son flow. Comme le rappellent les titres de ses projets, au fil de son Parcours accidenté, sa vie a littéralement été immergée dans la Réalité Rap Musique.

Sans suivre de codes génériques, de la trap au piano-voix, il évoque avec beaucoup d’authenticité cette réalité parfois éloignée des images à et de succès que s’acharne à défendre une branche du rap. La Merco est une Laguna, les mains effritent les briques plutôt que le shit et les kishta, les bâtiments du nord sont davantage ceux des bistrots et des usines. Avec son lyrisme populaire, BEN plg déplace les lignes, parce qu’il ne cesse de se repositionner à l’égard des traditions du rap qu’il admire et des productions modernes avec lesquelles il négocie.

Surtout, le rappeur propose dans ses performances live une énergie brute et transparente qui efface les doutes éventuels que peuvent susciter les écoutes studio : cet homme de scène ne triche pas. Il prend le terrain. Et les mecs qui mouillent le maillot et se saignent pour le blason qu’ils ont brodé sur le cœur, on aime.

Réalité Rap Musique, vol 3. est sorti ce vendredi. Aujourd’hui, c’est donc jour de match – pour la gloire.

Amaury Rauter