ORIPO & Stéphanie Macaigne (collaboration — “Casting”)

ORIPO & Stéphanie Macaigne (collaboration — “Casting”)

S’il n’est plus à montrer que la peinture n’a cessé d’inspirer le cinéma, l’inverse est à la fois évident et cependant peu documenté. La réciproque de l’influence entre la peinture et la photographie a quant à elle été abondamment commentée alors que pour ce qui est de sa version en mouvement, le cinéma, les liens semblent davantage à sens unique, en tout cas au premier abord car quelques exemples emblématiques suffisent à nous mettre sur la voie d’une telle réflexion.

Edward Hopper, Nighthawks (1942)

Faisons un petit détour par le peintre qu’une bonne partie d’entre nous a redécouvert lors du confinement, Edward Hopper : si l’influence d’Hopper dans le cinéma est évidente (Antonioni, Todd Haynes, Wenders, Jim Jarmusch, Alfred Hitchcock, David Lynch, …), il ne faut pas oublier que cette influence se situe également en amont, du côté du travail du peintre, tant dans la composition de ses toiles que dans le point de vue ou encore dans le traitement des lumières, le plus souvent artificielles, et des ombres qu’elles créent. Il suffit de jeter un oeil à son eau-forte “Ombres” pour voir ces aspects cristallisés en une image : les contrastes très cinématographiques, le traitement de la lumière et le point de vue qui ressemble davantage à celui d’une caméra sur grue qu’à celui d’un peintre devant son sujet ; tous ces éléments mettent en exergue l’influence du cinéma, notamment des polars du cinéma américain des années 20–30, sur l’oeuvre du peintre, qui pour la petite histoire disait se faire des cures de films au cinéma lorsqu’il avait l’impression de manquer d’inspiration.

Edward Hopper, “Ombres” (1921)

Il y a une certaine beauté dans le hasard qui a fait que nous ayons redécouvert Hopper pendant le confinement, au moment même où nous étions nombreux à profiter du fait que le temps se soit figé pour nous refaire un certain nombre de classiques du 7ème art.

L’influence du cinéma dans la peinture de Hopper date des débuts de cet art. Depuis, les images ont envahi le monde dans lequel nous évoluons, elles sont partout, elles nous étouffent parfois comme elles nous nourrissent nécessairement. Le peintre n’est plus contraint de sortir de chez lui pour s’imprégner d’atmosphères différentes ou se projeter dans des paysages divers.

Je me suis moi-même retranchée, lors du confinement, dans ces univers picturaux fictionnels et je fais partie de ceux qui ont redécouvert des classiques du cinéma à cette occasion. La collection de T-shirts née d’une collaboration avec le duo de jeunes créatifs Oripo témoigne de ce qui me reste de cette période. Ce triptyque de peintures ne fait pas partie de la série Palimpseste(s), pour laquelle je retravaille à la peinture acrylique des pochettes d’album de musique, mais elle résulte du même type de démarche : évoquer dans mon style que l’on peut qualifier d’impressionniste des images devenues cultes.

En parlant d’images cultes, ce triptyque se compose dans un premier temps d’une scène du film Mad Max: Fury Road. Les Mad Max m’ont profondément marqué dans mon enfance déjà, et le quatrième opus, Fury Road, m’avait marqué tout autant lors de sa sortie au cinéma, tant d’un point de vue narratif que d’un point de vue esthétique. La scène choisie est une scène où la course folle se fige : Max fait irruption dans un “tableau” où les “épouses” en cavale se désaltèrent, dans une espèce de relecture / réécriture désertique d’un tableau des naïades de la mythologie grecque, observées puis dérangées, troublées et menacées par l’irruption de Max dans le plan. Leurs mouvements se figent alors et la caméra parcourt les différents détails du tableau comme on parcourt du regard les détails d’un tableau de la Renaissance, qui chacun racontent leur propre petite histoire de manière autonome.

Extrait en question — MAD MAX: Fury road

La deuxième scène choisie est une scène du Loup de Wall Street, qui est aussi une scène de pause dans le tourbillon qu’est le film. Une “pause”, un ralentissement d’où résulte moins une tension dramatique comme dans la scène de Mad Max qu’une ambiance tragi-comique, où Jordan Belfort est paralysé et rampe en direction de sa Lamborghini : Grandeur et misère, ascension et chute, en un tableau.

Extrait en question : Loup de Wall Street

La troisième scène est issue du film Drive. Encore une fois il s’agit d’un micro-pause dans l’action, un plan réflexif et contemplatif cette fois, et comme dans Mad Max, il y aura un avant et un après. Cette scène issue du début du film suit la scène plutôt paisible de la discussion entre le “driver” et Irène, et préfigure la suite du film en insistant sur la part d’ombre dans laquelle est plongée ici le personnage, et sur le scorpion que l’on peut deviner brodé sur sa veste. Toute l’ambiguïté du personnage émerge ici alors même qu’il est de dos et plongé dans la pénombre.

Extrait en question : Drive — rencontre Driver / Irene

Ces scènes évoquent ainsi toutes les trois des moments de ralentissement voire de pause décisive dans ces films, alors même que nos vies subissaient elles aussi une pause forcée dans leur cours, un arrêt sur images, (décisif également car il y a eu incontestablement un avant et un après) et que nous “profitions” de cette pause pour redécouvrir ces films. C’est sûrement ce qui inconsciemment m’a portée vers le choix de ces scènes lorsqu’avec ORIPO nous parlions de notre envie de nous associer le temps d’une collection pour rendre hommage en peinture à quelques uns de nos films préférés.

Instagram ORIPO

La collection ORIPO x Stéphanie Macaigne :

Lien vers le shop en ligne : https://oripo.bigcartel.com

Shooting : Photos par @ bonsoirmathilda, modèles : @ battaglia__, @ __bouki, @ __jujj__, @ kndn_69 sur Instagram
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