origine du Cri : ça n’est pas ce que vous croyez

Le Cri est devenu viral au début du confinement en 2020.

J’invente rien :

Rien de surprenant pour l’instant : contexte d’angoisse existentielle frôlant la folie, de panique, tout ça sur fond d’atmosphère de fin du monde, ça nous parle en 2020.

D’ailleurs, en parlant de cri, je suis récemment tombée sur un site où les gens peuvent crier en ligne et poster leur cri sur internet. Le site a justement été créé dans le contexte de la pandémie, pour permettre au monde d’exprimer ses émotions. Pourquoi pas.

Ce contexte de pandémie aurait parlé à Munch puisqu’il se trouve qu’il fût (quand vous voulez je réutilise le passé simple) un des seuls artistes de son temps à peindre l’épidémie mondiale de grippe de 1919.

Autoportrait pendant la grippe espagnole

Intéressons-nous de plus près au Cri.

Un homme / femme / mort-vivant / zombie / squelette qui crie, un paysage aux lignes torturées, un ciel rouge.

Bon, mais, pourquoi il crie ???

Réponse A : la cause du cri n’est pas représentée sur la toile / Réponse B : ce qui le fait crier est un mal invisible.

En réalité il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse à cette question mais il est vrai que Munch était sujet à des angoisses existentielles, un mal invisible qui lui valait même d’avoir des hallucinations:

“Je me promenais sur un sentier avec deux amis(…)

(…) — le soleil se couchait — tout d’un coup le ciel devint rouge sang.

Je m’arrêtai, fatigué, et m’appuyai sur une clôture — il y avait du sang et des langues de feu au-dessus du fjord bleu-noir de la ville — mes amis continuèrent, et j’y restai, tremblant d’anxiété — je sentais un cri infini qui passait à travers l’univers et qui déchirait la nature.” (E. Munch, journal, 1892)

Ici, un peu comme pour le ciel de Van Gogh dans la Nuit étoilée, le propos du tableau semble être l’angoisse, et la nature, le décor ici, semble refléter l’état intérieur de l’homme représenté au premier plan / du peintre (?). L’arrière-plan, la nature, revêt alors une fonction métaphorique, un procédé que l’on retrouve à foison dans la littérature : le paysage décrit exprime / reflète en réalité les sentiments du personnage et se fait le miroir de son âme.

Un peu comme dans Germinal de Zola, où les paysages se font le miroir de l’âme malade, affamée, épuisée, noircie, salie, torturée d’Etienne Lantier. La nature souffre car elle est vue à travers le prisme d’un homme qui souffre, et le décor se présente ainsi comme une sorte de médiation expressive entre le personnage et ses sentiments.

C’est une façon de lire le tableau… mais ça n’est pas la seule.

Peut-être même que c’est le contraire.

Peut-être que ce n’est pas la nature qui reflète les troubles de l’âme du personnage, mais que c’est bien le personnage qui se fait miroir des troubles de la nature.

1883. L’éruption du volcan Krakatoa, le bruit le plus fort jamais entendu par l’homme : l’explosion fût entendue à 5000km à la ronde et des marins se trouvant à plusieurs centaines de km de l’explosion ont eu les tympans percés.

Le jour où la nature a poussé le cri le plus retentissant qu’il fût donné à l’homme d’entendre, Edvard Munch était en Norvège, où il vivait et on sait également que le ciel s’est teinté de rouge jusqu’en Norvège suite à l’explosion du volcan.

Alors, si ce tableau n’était pas le cri d’un homme, mais la réaction d’un homme au cri de la nature ? Rappelez-vous de l’extrait du journal du peintre, cité plus haut :

“ (…) tremblant d’anxiété — je sentais un cri infini qui passait à travers l’univers et qui déchirait la nature”…

En guise d’épilogue, 100 ans après le cri de Munch, non pas en Indonésie, là où est entré en éruption le volcan Krakatoa, mais dans un endroit plus géographiquement plus proche de nous qui nous rappellera un autre cri de la nature: Pompéï.

Si le Cri avait été une chanson :